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Qu'est-ce que l'intelligence artificielle ?

L’intelligence artificielle (IA) est un domaine scientifique et technologique qui, bien que captivant l’imagination du grand public, repose sur des fondations rigoureuses établies il y a plusieurs décennies. Pour en saisir la portée, il est essentiel de dépasser la vision populaire et d’explorer son évolution chronologique, ses définitions formelles et ses différentes couches : l’IA, le Machine Learning et le Deep Learning.

Les Origines et les Définitions Fondamentales

L’idée d’une machine capable de raisonner remonte à l’Antiquité, mais ce n’est qu’au milieu du XXe siècle que l’IA a commencé à prendre forme comme une discipline scientifique. En 1950, le mathématicien britannique Alan Turing proposait son fameux test de Turing, non pas pour définir l’intelligence, mais pour poser une question opérationnelle : une machine peut-elle se comporter de manière indiscernable d’un être humain lors d’une conversation ?

Le terme même d’« intelligence artificielle » fut officiellement forgé en 1956, lors de la conférence fondatrice de Dartmouth. C’est là que John McCarthy, l’un des organisateurs, proposa cette définition pionnière :

L’intelligence artificielle est « la science et l’ingénierie de la fabrication de machines intelligentes, en particulier de programmes informatiques intelligents ».

À cette époque, un autre fondateur, Marvin Minsky, offrait une perspective plus fonctionnelle, définissant l’IA comme « l’aptitude d’une machine à accomplir des tâches qui exigeraient de l’intelligence si elles étaient accomplies par des humains ». Ces premières définitions se concentraient sur la résolution de problèmes logiques et mathématiques, imitant le raisonnement humain.

Aujourd’hui, la définition la plus acceptée dans le monde académique, notamment par des auteurs de référence comme Stuart Russell et Peter Norvig, se concentre sur le concept d’agent rationnel. Un agent rationnel est une entité qui perçoit son environnement et agit de manière à maximiser ses chances d’atteindre ses objectifs. L’IA devient alors la science de la construction de ces agents.

Une Définition Problématique : Les Tensions Initiales

Cependant, même la définition la plus simple de l’IA comme “l’ensemble des théories et des techniques mises en œuvre pour construire des machines capables d’exécuter des tâches auparavant réservées aux humains” soulève trois tensions majeures [1] :

  1. Science ou Technique ? L’IA vise-t-elle la compréhension fondamentale de l’intelligence (une science) ou la réalisation d’objectifs pratiques définis à l’avance (une technique) ? Le domaine oscille constamment entre ces deux ambitions.
  2. Quelle “Machine” ? Le concept de machine a évolué. Nous distinguons aujourd’hui l’ordinateur (le matériel, le hardware) de la “machine abstraite” (la structure logique, le software). L’IA s’intéresse avant tout à cette structure logique, ce programme capable d’exécuter des schémas de répétition.
  3. Quelles “Tâches Humaines” ? Le périmètre des tâches humaines n’est pas fixe ; il évolue avec la société et la technologie. La question de savoir si les machines doivent imiter, remplacer ou s’hybrider avec les capacités humaines reste ouverte.

Aujourd’hui, la définition de Stuart Russell et Peter Norvig, centrée sur l’agent rationnel, est une référence. Un agent est une entité qui perçoit son environnement et agit pour maximiser ses chances d’atteindre ses objectifs. L’IA devient alors la science de la construction de ces agents. Mais cette vision, en modélisant le rapport au monde comme une fonction mathématique (entrée -> traitement -> sortie), pose une hypothèse lourde : que l’intelligence peut être réduite à un processus informationnel.

L’Évolution vers l’Apprentissage Automatique (Machine Learning)

Dans les années 1980, les systèmes experts ont dominé le paysage de l’IA. Ces systèmes utilisaient des centaines de règles logiques prédéfinies pour prendre des décisions dans des domaines spécifiques. Cependant, leur fragilité et leur incapacité à gérer l’incertitude ont montré leurs limites.

Un tournant majeur s’est produit avec l’avènement du Machine Learning. En 1959, Arthur Samuel, un pionnier du domaine, le définissait ainsi :

Le Machine Learning est le « champ d’étude qui donne aux ordinateurs la capacité d’apprendre sans être explicitement programmés ».

Contrairement aux systèmes experts où la connaissance est codée manuellement, le Machine Learning permet aux machines de déduire des motifs et des règles directement à partir des données. Une définition plus formelle et largement citée fut proposée par Tom Mitchell en 1997 :

« Un programme informatique est dit apprendre de l’expérience E, pour une classe de tâches T et avec une mesure de performance P, si sa performance sur les tâches de T, mesurée par P, s’améliore avec l’expérience E. »

La Révolution du Deep Learning

Le Deep Learning (ou apprentissage profond) est une sous-catégorie du Machine Learning qui a provoqué des avancées spectaculaires. Il repose sur des réseaux de neurones artificiels possédant de nombreuses couches cachées (d’où le terme “profond”). Inspiré par la structure du cerveau humain, le Deep Learning excelle dans la modélisation de relations complexes.

Sa force réside dans sa capacité à apprendre des représentations hiérarchiques des données. Les premières couches du réseau apprennent à détecter des caractéristiques simples (des contours dans une image, des phonèmes dans un son), et les couches suivantes assemblent ces caractéristiques pour former des concepts de plus en plus abstraits (un visage, un mot). Cette capacité d’extraction automatique de caractéristiques a conduit à des percées dans la reconnaissance d’images, le traitement du langage naturel et la traduction automatique.

Considération étique, écologique et sociétale de l’IA

Aujourd’hui, l’IA est omniprésente, des smartphones aux voitures autonomes. Les progrès continus promettent des innovations encore plus impressionnantes. Cependant, cette omniprésence soulève des questions cruciales qui doivent être adressées avec soin, autour de trois axes majeurs.

L’axe éthique : biais, surveillance et respect des droits humains

Les algorithmes, entraînés sur des données issues de notre monde, peuvent reproduire et même amplifier les biais et les stéréotypes existants (sexistes, racistes, sociaux). Un exemple tristement célèbre est celui de l’outil de recrutement développé par Amazon [2], abandonné en 2018. Entraîné sur les CV reçus par l’entreprise sur une période de 10 ans, qui étaient majoritairement masculins, le système avait appris à pénaliser les candidatures contenant le mot “femme” (comme “capitaine de l’équipe féminine de basket”) et dévalorisait les diplômes issus d’universités pour femmes. Cela peut conduire à des discriminations automatisées dans des domaines critiques comme le recrutement, l’accès au crédit ou la justice. De plus, les technologies de reconnaissance faciale ou de notation sociale posent des risques inédits pour la vie privée et les libertés fondamentales, nécessitant un encadrement strict pour garantir le respect des droits humains.

L’axe écologique : l’empreinte environnementale et la notion de frugalité

L’entraînement des grands modèles d’IA, en particulier en Deep Learning, est un processus extrêmement énergivore. La puissance de calcul requise par les data centers entraîne une consommation massive d’électricité et d’eau, générant une empreinte carbone significative. Face à ce constat, le concept d’IA frugale (ou Green AI) émerge. Il vise à développer des modèles plus sobres, des algorithmes plus efficients et à optimiser l’usage des infrastructures pour une IA plus durable.

L’axe sociétal : transformation du travail et gouvernance

L’automatisation de nombreuses tâches intellectuelles ou manuelles transforme en profondeur le marché du travail. L’arrivée de l’IA dans le secteur grand public, notamment due à ChatGPT, pose des questions sur le remplacement des humains dans leurs emplois. Il est cependant encore trop tôt pour tirer des conclusions et céder au vent de panique alarmiste criant à la skynet-isation de la société.

Se pose également la question de la responsabilité : qui est responsable lorsqu’un système autonome commet une erreur ? Pour répondre à ces défis, une nouvelle gouvernance de l’IA est nécessaire, impliquant des cadres légaux, des normes et des instances de régulation pour assurer une technologie transparente, explicable et au service de la société.

En définitive, le déploiement de l’intelligence artificielle n’est pas qu’un enjeu technologique, c’est un projet de société. La question fondamentale n’est plus de savoir ce que l’IA peut faire, mais bien de décider collectivement ce qu’elle doit faire. Comment construire une IA qui soit non seulement performante, mais aussi juste, durable et véritablement au service de l’humanité ?